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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

pâlas se levèrent toutes de leur siége, pour aller s’incliner devant le jeune homme[1].

Et ce n’est pas seulement à la supériorité du Buddha que les Dieux sont forcés de rendre hommage ; un simple Religieux, Pûrṇa, fait également sentir sa puissance à un Yakcha, qui veillait à la garde d’une forêt de bois de santal[2]. Un autre Religieux, Upagupta, contemporain du roi Açôka[3], triomphe par sa puissance irrésistible de Mâra, le péché incarné, qui se réfugie vers Brahmâ pour implorer son secours ; Brahmâ lui répond : « Sans contredit ma force est immense, mais elle n’égale pas celle d’un fils du Tathâgata ; » et le Dieu conseille à Mâra de faire un acte de foi en Buddha[4]. Enfin, le culte que l’on rend aux Dieux est moins méritoire aux yeux de Çâkya que la pratique des vertus morales. Je trouve, à ce sujet, dans un Avadâna, un passage qui place l’accomplissement des devoirs que la morale impose au-dessus des objets les plus vénérés des Brâhmanes et du peuple, savoir, Brahmâ, le sacrifice, le feu et les Dieux domestiques, et qui montre en même temps la nature des attaques dont les Dieux de l’Inde étaient l’objet de la part de Çâkya.

« Un jour que Bhagavat se trouvait à Çrâvastî, à Djêtavana, dans le jardin d’Anâtha piṇḍika, il s’adressa ainsi aux Religieux : Brahmâ, ô Religieux, est avec les familles dans lesquelles le père et la mère sont parfaitement honorés, parfaitement vénérés, servis avec un bonheur parfait. Pourquoi cela ? C’est que, pour un fils de famille, un père et une mère sont, d’après la loi, Brahmâ lui-même. Le précepteur, ô Religieux, est avec les familles dans lesquelles le père et la mère sont parfaitement honorés [etc. comme ci-dessus]. Pourquoi cela ? C’est que, pour un fils de famille, un père et une mère sont, d’après la loi, le précepteur lui-même. Le feu du sacrifice, ô Religieux, est avec les familles dans

  1. Lalita vistara, chap. I, f. 68 b de mon manuscrit.
  2. Pûrṇa, dans Divya avad., f. 20 a sqq.
  3. Je dis Açôka, sans distinguer s’il s’agit de Kâlâçôka ou de Dharmâçôka, ne voulant pas donner à la tradition du Nord plus de précision qu’elle n’en a véritablement. J’établirai en effet dans mon Esquisse historique que les textes du Nord confondent généralement en un seul personnage les deux Açôkas que distinguent les textes pâlis du Sud. Voyez, en attendant, une preuve de ce fait dans le recueil de M. Schmidt. (Der Weise und der Thor, trad., p. 218.) J’ajoute seulement ici que, pour les Singhalais, l’Açôka dont il est question dans le texte serait Kâlâçôka.
  4. Pâm̃çu pradâna, dans Divya avad., f. 178 a et b. Le même fait est raconté, quoiqu’en des termes un peu différents, par une légende de l’Uligerün Dalai, qui est identique pour le fonds à celle dont j’extrais ce passage, et qu’a traduite M. Schmidt. (Mém. de l’Acad. des sciences de S.-Pétersbourg, t. II, p. 28.) Cette légende se trouve plus complète et avec plus de détails dans le recueil de légendes tibétaines (Der Weise und der Thor, p. 386 sqq.), qui est, ainsi que nous l’a appris depuis longtemps M. Schmidt, l’original tibétain de l’Uligerün Dalai mongol. (Forschung. Mongol. und Tibet., p. 175.)