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DU BUDDHISME INDIEN.

De tous les Dieux, c’est celui dont le nom revient le plus souvent dans les Sûtras et dans les légendes. Il y apparaît d’ordinaire à Çâkyamuni, avec lequel il a de fréquents entretiens, et il y reçoit le titre de Kâuçika, titre qu’il porte dans les Upanichads des Vêdas brâhmaniques. Son nom figure avec celui d’Upendra, l’une des plus anciennes épithètes de Vichnu, dans la formule même par laquelle les légendes expriment qu’un Religieux est parvenu au grade dit celui des Arhats, formule qui est ainsi conçue : « Il devient de ceux qui méritent que les Dêvas, avec Indra et Upêndra, les respectent, les honorent et les saluent[1]. »

Toutes ces Divinités sont celles du peuple au milieu duquel vit Çâkya avec ses Religieux, Elles sont, de la part de toutes les castes, l’objet d’un culte constant et exclusif ; on leur demande des enfants[2] ; les navigateurs menacés de périr les implorent pour sortir de danger[3]. Mais leur puissance n’est pas reconnue comme absolue par les Buddhistes, et elle est inférieure à celle du Buddha. Çâkya, en effet, est représenté sauvant du naufrage des marchands qui ont vainement invoqué ces Dieux[4] ; et quant au pouvoir que le peuple leur suppose de donner des enfants, voici comme les rédacteurs des Sûtras en contestent l’existence : « C’est une maxime admise dans le monde, que ce sont les prières adressées aux Dieux qui font naître des fils ou des filles ; mais cela n’est pas ; car autrement chacun aurait cent fils, tous monarques souverains[5]. » La subordination des Dieux à l’égard du Buddha est exprimée et en quelque sorte régularisée dans le passage suivant : « C’est une règle que quand les bienheureux Buddhas conçoivent une pensée mondaine, au même instant Çakra, Brahmâ et les autres Dêvas ont connaissance de la pensée des Bienheureux[6]. » Aussi voit-on, dans plus d’un passage, Çâkra, l'Indra des Dêvas, comme on l’appelle d’ordinaire, venir assister Çâkyamuni dans ses entreprises[7]. La légende de Çâkyamuni, qui se trouve noyée parmi les développements diffus du Lalita vistara, raconte que quand le jeune fils du roi Çuddhôdana, qui n’avait pas encore revêtu le caractère religieux, fut conduit au temple des Dieux à Kapilavastu, les statues insensibles de Çiva, Skanda, Nârâyana, Kuvêra, Tchandra, Sûrya, Vâiçravaṇa, Çakra, et celles des Lôka-

  1. Supriya, dans Divya avad., f. 46 a. Divya avad., f. 39 b, 148 b, 150 a.
  2. Kôṭikarṇa, ibid., f. 1 a. Mâitrakanyaka, ibid., f. 327 b.
  3. Pûrṇa, ibid., f. 20 b. Dharma rutchi, ibid., f. 114 a. Samudra, dans Avad. çat., f. 190 b.
  4. Dharmarutchi, ibid., f. 114 b.
  5. Kôṭikarṇa, ibid., f. 1. Avad. çat., f. 6 b, 49 b.
  6. Mâitrêya, ibid., f. 30 b.
  7. Açôka, ibid., f. 67 a. Prâtihârya, ibid., f. 79 a et b. Avad. çat., f. 14 b. Kapphina, dans Avad. çat., f. 211 a.