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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


naires, qui nous reportent à des temps et à des contrées où le Buddhisme rencontrait à tout instant ses adversaires, et était obligé de lutter avec eux par la prédication et par la pratique des vertus morales ?

Je conviens que pour partager en connaissance de cause cette opinion, le lecteur aurait besoin de comparer un certain nombre de Sûtras simples à d’autres Sûtras développés, tel qu’est le Lotus de la bonne loi ; mais l’époque n’est pas éloignée peut-être où ces monuments curieux paraîtront à la lumière. En attendant, j’ai cru que je devais exposer les résultats que m’a donnés la lecture attentive des six cent soixante et quatorze pages du Divya avadana. Je ne crois pas trop m’avancer en disant que si l’on n’y doit pas trouver une exposition tout à fait complète du Buddhisme, on y verra au moins l’histoire fidèle de ses premiers efforts, et comme le tableau exact de son établissement au sein de la société brâhmanique. C’est là, si je ne me trompe, ce qui donne aux Sûtras et aux légendes un intérêt que n’auraient pas des livres où les croyances seraient plus arrêtées et exposées plus dogmatiquement. De tels Sûtras éclairent un point fort important de l’histoire du Buddhisme, savoir, son rapport avec le Brâhmanisme, point sur lequel les traités purement spéculatifs gardent un silence presque complet. Et cette circonstance suffit à elle seule pour établir que ces Sûtras ont été rédigés quand ces deux cultes vivaient l’un près de l’autre ; tout de même que la présence de quelques Religieux buddhistes dans plusieurs drames brâhmaniques prouve que ces drames ont été écrits à une époque où il existait encore dans l’Inde des sectateurs du Buddha. On le voit, l’étude des Sûtras, envisagés sous ce point de vue particulier, apporte une confirmation nouvelle en faveur de l’opinion qui me les fait regarder comme les monuments les plus rapprochés de la prédication de Çâkyamuni.

Elle tranche en outre d’une manière définitive une question qu’on a renouvelée récemment, celle de savoir quel est le plus ancien du Brâhmanisme ou du Buddhisme, et qu’on a voulu résoudre en faveur de ce dernier culte, par la raison que les monuments épigraphiques les plus anciens que l’on rencontre dans l’Inde appartiennent au Buddhisme et non au Brâhmanisme. Sans entrer à cette heure dans l’examen de chacun de ces monuments, qui n’ont pas encore été étudiés, selon moi, avec une attention ni une critique suffisantes, je dirai que de l’existence d’anciennes inscriptions buddhiques écrites en pâli, et même de l’antériorité de ces inscriptions à l’égard des monuments brâhmaniques du même ordre, rédigés en sanscrit, on aurait dû conclure, non pas que le pâli est antérieur au sanscrit, ce qui est impossible, non pas que le Buddhisme est antérieur au Brâhmanisme, ce qui ne l’est pas moins, mais bien que le