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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

système des Buddhas surhumains, dans ce passage du xxiie chapitre, où nous apprenons que le Buddha Amitâbha, c’est-à-dire le quatrième des Buddhas de la contemplation, est contemporain, dans un autre univers toutefois, de Çâkyamuni, le seul et unique Buddha de notre monde[1]. Et comme pour compléter la notion qu’exprime ce passage, un distique du xxvie chapitre nous représente Avalôkitêçvara, le Bôdhisattva réputé fils de cet Amitâbha, debout auprès du Buddha son père, qui est à l’Occident le souverain d’un monde idéal comme lui[2].

J’en reconnais encore une autre trace, au commencement du xxvie chapitre, où le Bôdhisattva Samanta bhadra vient miraculeusement assister à l’assemblée présidée par Çâkyamuni, pour lui témoigner sa satisfaction. Car Samanta bhadra n’est autre que le premier des Bôdhisattvas, ou le fils du premier des Buddhas divins de la liste citée plus haut. Ces textes, je le répète, appuient cette opinion, que la théorie des cinq Buddhas surhumains peut appartenir à une autre secte qu’à celle des théistes, en d’autres termes, que cette théorie n’est pas nécessairement liée à la conception d’un Âdibuddha, tel que l’admettent ces derniers. Mais quoi qu’il en puisse être de cette opinion à laquelle je n’hésite pas à m’arrêter, le point principal de la présente discussion n’en est pas moins solidement établi ; et ce point c’est qu’un des Sûtras développés, les plus estimés du Népâl, porte l’empreinte manifeste des idées auxquelles se rattache ce système.

Or il est bien temps de le dire, rien de tout ce que je viens de décrire n’existe dans les Sûtras simples du Divya avadâna. L’idée d’un ou de plusieurs Buddhas surhumains, celle de Bôdhisattvas créés par eux, sont des conceptions aussi étrangères à ces livres que celle d’un Âdibuddha ou d’un Dieu. M. Hodgson, il est vrai, a cité deux morceaux très-curieux extraits du Divya avadâna, qui établissent positivement l’existence d’Âdibuddha, type suprême et

    rappelée, tandis que celle de l’Âdibuddha des Népâlais n’est citée nulle part. (Mém. de l’Acad. des sciences de S.-Pétersbourg, t. I, p. 97 sqq. et 212 sqq.) Cet auteur a bien vu que la notion d’un Dieu suprême représenté par Âdibuddha était étrangère au Buddhisme primitif ; et il a réfuté avec succès, quoiqu’un peu sévèrement, la théorie que M. Ab. Rémusat avait établie sur l’existence de cette notion empruntée au Buddhisme théiste du Népâl. (Ueber einige Grundlehr. des Buddh., dans Mém. de l’Acad. des sciences de S.-Pétersburg, t. II, p. 3 sqq.) Je crois qu’il ne peut plus exister de doutes sur ce point depuis que Csoma de Cörös a établi, par l’autorité des livres tibétains, que la croyance à un Âdibuddha n’avait pas été introduite dans l’Inde centrale avant le x de notre ère. (Note on the Kâla chakra, dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. II, p. 57 sqq. Anal. of the Sherchin, etc., dans Asiat. Researches, t. XX, p. 488.)

  1. Le Lotus de la bonne loi, chap. XXII, f. 220 a du texte ; p. 251 de la traduction.
  2. Le Lotus de la bonne loi, chap. XXIV, f. 233 b et 234 a du texte ; p. 267 de la traduction.