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DU BUDDHISME INDIEN.

dans ce Mémoire, si neuf encore, malgré tout ce qu’on a rassemblé depuis, que le lecteur trouvera les éclaircissements les plus précis sur la théorie des Buddhas et des Bôdhisattvas célestes, telle que l’entendent les Népâlais[1]. Il est cependant indispensable que je présente ici les principaux traits de ce système, afin de mettre le lecteur en état d’apprécier la différence, à mon sens très-profonde, qui distingue les livres où il se montre de ceux où il ne paraît pas.

Dans le Mémoire que je viens de citer, après s’être demandé jusqu’à quel point les quatre grandes sectes entre lesquelles se divise actuellement le Buddhisme du Népâl, et dont il sera parlé plus tard, ont adopté les divisions nombreuses du Panthéon populaire, M. Hodgson établit que la religion pratique de ce pays distingue nettement les sages d’origine humaine, qui ont acquis par leurs efforts et leurs vertus le rang de Buddha, d’une autre classe plus relevée de Buddhas dont la nature et l’origine sont purement immatériels. Les premiers, qu’on nomme Mânutchi Buddhas, ou Buddhas humains, sont au nombre de sept ; ce sont ces personnages, célébrés dans les légendes, dont Çâkyamuni est le dernier[2]. Les seconds se nomment Anupapâdakas, c’est-à-dire « sans parents, » et Dhyâni Buddhas, c’est-à-dire « Buddhas de la contemplation. » L’école théiste du Népâl suppose qu’un Âdibuddha, ou Buddha primordial, existant par lui-même, infini et omniscient, créa, par cinq actes de sa puissance contemplative, ces cinq Buddhas, nommés collectivement Pañtcha Dhyâni Buddhas. Chacun de ces Buddhas divins reçut en naissant la double énergie de science et de contemplation à laquelle il devait l’existence ; et par cette double force chacun d’eux donna le jour à un Dhyâni Bôdhisattva, qui est à l’égard du Buddha générateur comme un fils à l’égard de son père. Ces Bôdhisattvas passent pour être les véritables auteurs du monde créé ; mais les œuvres qu’ils produisent sont périssables. Trois de ces créations ont déjà cessé

  1. Asiat. Researches, t. XVI, p. 440 sqq. C’est à dessein que je limite ainsi ce résumé ; on sait que M. Schmidt a exposé touchant les Dhyâni Buddhas une opinion différente, sur laquelle je reviendrai tout à l’heure.
  2. Des sept Buddhas, les trois premiers appartiennent à des âges antérieurs à celui où nous vivons ; les quatre suivants ont paru dans notre système actuel ; Çâkyamuni est le quatrième, et Mâitrêya doit lui succéder. (Sapta Buddha stôtra, dans Asiat. Res., t. XVI, p. 453 sqq. ; comp. avec Schmidt, Mém. de l’Acad. des sciences de S.-Pétersbourg, t. I, p. 105 et 106.) M. Schmidt est d’opinion que ces trois Buddhas peuvent avoir paru dans la période d’accroissement de ce système. (Mém., etc., t. II, p. 65.) Wilson a montré (Asiat. Res., t. XVI, p. 455) que le culte spécial rendu à sept Buddhas pris parmi la foule innombrable des anciens personnages de ce nom n’était pas une particularité du Buddhisme népâlais. J’ajoute que nous le retrouverons aussi dans le Buddhisme du Sud ; mais je dois ajourner ce que j’ai à dire sur ce point, jusqu’au moment où je m’occuperai des prédécesseurs de Çâkya, pour l’esquisse historique du Buddhisme.