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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

ainsi que le veut le Lotus de la bonne loi[1], au nombre des auditeurs de ce sage. Admettons donc que ce soit en vertu de sa puissance surnaturelle qu’il abandonne quelquefois, pour venir sur la terre, le ciel des dieux Tuchitas, qu’un autre passage du Lotus même représente comme son séjour habituel[2]. Cependant les Sûtras simples qui, comme les Sûtras développés, attribuent aux Bôdhisattvas une puissance surhumaine, ne disent pas, ainsi que je le remarquais tout à l’heure, que Mâitrêya ait jamais assisté aux assemblées de Çâkya. Si donc ils laissent dans le ciel l’héritier futur du sage, ce n’est pas sans doute qu’ils reculent devant un miracle, c’est plutôt qu’ils reproduisent une tradition différente de celle des Sûtras développés. Ici, je le pense du moins, la différence est d’autant plus digne d’attention que le point sur lequel elle porte a moins de valeur en lui-même.

J’en dirai autant de la présence de ces myriades de Bôdhisattvas, dont l’arrivée miraculeuse occupe tant de place dans les derniers chapitres du Lotus de la bonne loi. Comme les Buddhistes du Nord conçoivent des infinités d’univers situés aux dix points de l’espace, ils augmentent ainsi à l’infini le nombre des Buddhas et des Bôdhisattvas qui coexistent dans le même temps ; et pour que ces Bôdhisattvas puissent entendre les prédications de tel ou tel de ces innombrables Buddhas, il leur suffit du plus simple acte de leur puissance surnaturelle. Mais ici encore je signale une différence qui se trouve entre les Sûtras simples et les Sûtras développés. Ces myriades de mondes dont les grands Sûtras peuplent l’espace, ces exagérations numériques, où malgré leur sécheresse on retrouve un sentiment vague de la grandeur infinie de l’univers, sont tout à fait étrangères à ceux des Sûtras simples que j’ai lus. De là vient que ces derniers traités ne nous montrent pas, comme fait le Lotus de la bonne loi, des Buddhas et surtout des Bôdhisattvas arrivant en foule de tous les points de l’espace pour assister à la prédication de Çâkyamuni. Les rédacteurs de ces traités, outre leur penchant à croire aux miracles, avaient cependant plus d’une occasion de raconter des scènes de ce genre, et la tradition leur fournissait tous les éléments de récits analogues à ceux que nous lisons dans les derniers chapitres du Lotus. Et pour n’en citer qu’un exemple, le préambule du Sûtra simple de Kanakavarṇa, préambule où sont énumérés tous les êtres dont Çâkya reçoit les hommages, ne prononce aucun des noms des Bôdhisattvas introduits au commencement du Lotus, pas plus qu’il ne parle de cette foule de personnages semblables qui figurent dans quelques chapitres de ce dernier traité.

  1. Chap. I, p. 2 et pass.
  2. Chap. XXVI, f. 245 a, texte, et p. 279, trad.