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DU BUDDHISME INDIEN.


qui offre le plus grand nombre de ces traits propres au sanscrit du Buddhisme. Ils sont écrits dans une prose très-simple, et où les phrases ont en général peu de développement. On y voit de loin en loin apparaître quelques stances consacrées à des maximes morales ou philosophiques, stances vraisemblablement fort anciennes, mais qui ne sont pas d’un meilleur style que les ouvrages où elles se trouvent. Ces livres ont une couleur populaire qui frappe à la première vue, et la forme dialoguée qui y domine ordinairement leur donne l’apparence de conversations qui ont eu réellement lieu entre un maître et ses disciples. Il n’y a, sous ce rapport, presque aucune distinction à faire entre les Sûtras simples et les Sûtras développés, du moins en ce qui regarde les parties comparables de ces deux classes de livres, c’est-à-dire le dialogue et le récit écrit en prose. Seulement les Sûtras développés ont un style plus ample et plus diffus ; les propositions y sont toujours périodiques et les périodes souvent immenses, ce qui est très-rare dans les Sûtras simples.

Je ne pourrais, sans entrer dans des détails techniques, donner une précision plus rigoureuse à la description que je viens de faire du style sanscrit des Sûtras. Je ne me crois cependant pas dispensé de produire les preuves de mon sentiment, mais je trouve que ces preuves ne seraient pas ici à leur place. L’étude du sanscrit buddhique aura certainement plus d’intérêt quand il sera possible de le comparer au pâli des livres de Ceylan. J’ai déjà rassemblé de nombreux matériaux pour cette comparaison, et j’ai l’espérance d’en pouvoir réunir un plus grand nombre encore. Il me suffira donc d’exposer ici le résultat le plus général de cette étude ; c’est que les traits mêmes par lesquels le sanscrit buddhique se distingue du sanscrit brâhmanique se retrouvent tous dans le pâli des Buddhistes du Sud ; que ces traits, qui portent sur le sens des mots, mais surtout sur la syntaxe, se résument dans des idiotismes et des tournures populaires, et qu’ainsi les livres du Nord, quoique composés dans l’idiome savant des Brâhmanes, se rattachent de la manière la plus intime aux livres du Sud, écrits, comme on sait, dans un dialecte populaire dérive du sanscrit. Cette conclusion sera, je l’espère, admise sans difficulté, lorsqu’on reconnaîtra que ces analogies de style se remarquent principalement dans les passages consacrés à l’expression des croyances et des traditions communes aux Buddhistes du Nord et à ceux de Ceylan.

La forme extérieure des deux espèces de Sûtras dont l’existence vient d’être constatée tout à l’heure nous fournit encore d’autres caractères tout à fait dignes d’attention. Ainsi ce qui, sous le rapport de la forme, distingue un Sûtra de grand développement, comme le Lotus de la bonne loi, d’un Sûtra simple, tel que celui de Kanakavarna que j’ai traduit plus haut, c’est le dévelop-