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DU BUDDHISME INDIEN.

puissance surnaturelle de l’esprit ; 3o celle de la force ; 4o celle qui est accompagnée de la conception propre à détruire la méditation de tout exercice de la pensée[1]. Les quatre principes de la puissance surnaturelle, ô Ânanda, ont été recherchés, compris, répandus par le Tathâgata[2]. Il peut donc, si on l’en prie, vivre soit durant un Kalpa entier, soit jusqu’à la fin du Kalpa. Cela dit, le respectable Ânanda garda le silence. Deux fois et trois fois, Bhagavat s’adressa ainsi au respectable Ânanda[3] : Elle est belle, ô Ânanda, la ville de Vâiçâlî, la terre de Vrĭdjis, [etc. comme ci-dessus, jusqu’à :] Le Tathâgata peut maintenant, si on l’en prie, vivre soit durant un Kalpa entier, soit jusqu’à la fin du Kalpa.

  1. Je ne puis, dans l’absence d’un commentaire, me flatter d’avoir bien rendu ces formules, qui sont des résumés de notions que je n’ai pas vues ailleurs. (Voy. les additions à la fin du volume.)
  2. Le titre de Tathâgata est un des plus élevés de ceux qu’on donne à un Buddha ; le témoignage unanime des Sûtras et des légendes veut que Çâkyamuni l’ait pris lui-même dans le cours de son enseignement. On peut voir les explications qu’en ont proposées les savants qui se sont occupés du Buddhisme mongol et chinois, notamment M. Schmidt (Mém. de l’Acad. des sciences de S.-Pétersbourg, t. I, p. 108) et M. A. Rémusat (Foe koue ki, p. 191). D’après notre plan, qui est de consulter avant tout les sources indiennes, les interprétations que nous devons placer au premier rang sont celles qu’on trouve dans les livres du Népâl, ou que l’on connaît d’après M. Hodgson, et celles que M. Turnour a extraites des livres de Ceylan. Les explications qu’on doit aux deux auteurs que je viens de nommer sont assez nombreuses, et je crois suffisant d’y renvoyer le lecteur ; il y verra par quels procédés plus ou moins subtils les Buddhistes ont essayé de retrouver dans ce titre l’idéal de perfection qu’ils supposent à un Buddha. (Hodgson, Europ. Specul. on Buddh., dans Journ. As. Soc. of Beng., t. III, p. 384. Turnour, Mahâvamso, Introd., p. LVI.) Csoma, d’après les livres tibétains, est d’opinion que Tathâgata signifie « celui qui a parcouru sa carrière religieuse de la même manière que ses devanciers. » (Csoma, Asiat. Researches, t. XX, p. 424.) Ce sens est aussi satisfaisant sous le rapport du fond que sous celui de la forme ; il nous montre dans le terme de Tathâgata un titre par lequel Çâkya voulut autoriser ses innovations de l’exemple d’anciens sages dont il prétendait imiter la conduite. Les textes sur lesquels s’appuie M. Hodgson donnent à ce titre un sens plus philosophique ; je ne cite que le premier : « parti ainsi, » c’est-à-dire parti de telle manière qu’il ne reparaîtra plus dans le monde. La différence qui distingue ces deux interprétations est facile à saisir ; la seconde est philosophique, la première est historique, si toutefois on peut s’exprimer ainsi : c’est une raison de croire que la première est la plus ancienne. Suivant les Buddhistes du Sud, Tathâgata (Tathâ âgata) signifie « celui qui est venu comme, de la même façon que les autres Buddhas ses prédécesseurs ; » ou encore Tathâgata revient à Tathâ gata, « celui qui a marché ou qui est parti comme eux. » On voit qu’on peut, sans faire violence aux termes, retrouver l’interprétation des Tibétains dans la seconde de celles que M. Turnour a empruntées aux Singhalais. Or, si l’on admet le principe de critique dont je ferai plus tard de nombreuses applications, savoir qu’il faut chercher les éléments vraiment anciens du Buddhisme dans ce que possèdent en commun l’école du Nord et celle du Sud, il y aura tout lieu de regarder la version donnée par Csoma comme la première et la plus authentique. (Voy. les additions à la fin du volume.)
  3. Ânanda était cousin germain de Çâkyamuni et son serviteur bien-aimé ; il avait pour frère Dêva datta, l’ennemi mortel de Çâkya son cousin. (Csoma, Asiat. Res., t. XX, p. 308, note 21.) Parmi les renseignements curieux que nous donne le Foe koue ki sur ce personnage, il faut consulter une note très-détaillée de M. A. Rémusat, (Foe koue ki, p. 78 et 79.) La ressemblance purement accidentelle de ce nom, qui signifie joie, avec l’adjectif ananta (infini) avait trompé M. Schmidt, qui avait cru ces deux mots synonymes, et qui regardait la traduction mongole du