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DU BUDDHISME INDIEN.

texte qui n’est que la traduction d’un traité sanscrit dont M. Schilling de Canstadt possédait une édition tibétaine très-fautive, imprimée en caractères dits Randja et en lettres vulgaires. Ce traité, qui appartient à la classe des livres de métaphysique, suffit sans doute pour faire connaître la forme extérieure d’un Sûtra ; rien ne nous prouve cependant que ce ne soit pas un résumé moderne de l’une des rédactions de la Pradjñâ pâramitâ, et ce doute seul nous empêche de l’admettre dans la catégorie des Sûtras proprement dits. Il m’a semblé qu’il fallait faire pour cette classe de livres ce que j’ai exécuté pour les Sûtras de grand développement, et qu’il convenait d’en traduire quelques portions, afin de mettre sous les yeux du lecteur les différences qui distinguent ces deux espèces de traités, et d’appuyer sur l’autorité des textes les conclusions auxquelles ces différences me paraissent conduire.

J’ai donc choisi dans la grande Collection népâlaise, connue sous le titre de Divya avadâna, deux fragments où j’ai reconnu tous les caractères des véritables Sûtras, m’attachant, pour faire ce choix, au sujet même plutôt qu’au titre que portent ces fragments dans le recueil précité. Le premier se rapporte à l’époque de Çâkyamuni Buddha, et fait connaître quelques-uns des procédés de son enseignement. Le second est une légende d’un caractère purement mythologique, que Çâkya raconte pour faire comprendre les avantages de l’aumône, et montrer les grandes récompenses qui sont attachées à la pratique de ce devoir. Ma traduction est aussi littérale qu’il m’a été possible de la faire ; j’ai pris le soin d’y conserver les répétitions d’idées et de mots, qui sont un des caractères les plus frappants du style de ces traités. On remarquera sans peine que le premier fragment porte un titre qui n’a aucun rapport avec le sujet dont il est traité dans le fragment même ; je dirai plus bas la raison de ce désaccord entre le titre et le fond du Sûtra tel que je le donne ici.

SÛTRA DE MÂNDHÂTRI[1].

« Voici ce que j’ai entendu. Un jour Bhagavat se trouvait à Vâiçâlî, sur le bord de l’étang Markaṭahrada (l’étang du singe), dans la salle nommée Kûṭâgâra

  1. Divya avadâna, f. 98 b, man. Soc. Asiat., f. 125 a de mon man. Il importe de comparer ce morceau avec celui qu’a traduit M. Schmidt d’après le mongol (Mém. de l’Acad. des sciences de S.-Pétersb., t. II, p. 15), avec la légende du roi Da-od (Tchandra prabha), telle que la donne M. Schmidt dans son recueil récemment publié (Der Weise und der Thor, p. 165, trad. all.), et avec le passage traduit peu exactement, à ce que je soupçonne, par Klaproth dans le Foe koue ki, p. 246 et 247. Plus tard je rapprocherai le présent Sûtra du Parinibbâṇa sutta des Singhalais, dont M. Tournour a déjà donné des fragments du plus haut intérêt et traduit avec une rare