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ESSAI SUR LE PALI,

Aussi ce qui, selon nous, recommande le plus son travail, c’est une traduction, ou plutôt une paraphrase d’un livre pali intitulé Kammouva, qui contient les règles de l’ordination des prêtres mendians, que le texte même nomme Bhikkhou, les missionnaires italiens Pinzen, et qui, principalement à Siam, sont connus des européens sous le nom de Talapoins[1].

La découverte que nous avons faite du texte de cet

  1. Buchanan, Asiat. Research. vi, p. 274, dit que les prêtres bouddhistes sont, dans la langue barmane, appelés Rahâns, et en pali, Thaynka. Nous serions tentés de croire qu’il y a ici une confusion, et qu’il faut prendre plutôt le mot Thaynka pour le barman. Dans le Kammouva, que nous avons lu en entier, aucun de ces deux mots ne se trouve. Les prêtres y reçoivent le nom de bhikkhou, en samskrit, bhikchou, mendiant. Il est vrai qu’il existe deux ordres de prêtres, et, alors les dénominations de bhikkhou et de rahân seraient peut-être consacrées à désigner ces différences. Ce qui appuierait cette opinion, c’est que le missionnaire italien qui a traduit le Kammouva, et dont le manuscrit existe dans le musée de Velletri, et dans la bibliothèque de la Propagande, donne à son travail ce titre : Kammua, ossia trattato della ordinazione de’ Talapoini del secundo ordine detti Pinzen. Quant au mot rahân, il nous semble être une altération du mot samskrit arhân (rad. arhat), vénérable. Ce nom, sous sa forme samskrite, est donné par le vocabulaire Pentaglotte bouddhique (voy. M. Abel-Rémusat, Mélanges asiat., tom. I, p. 163), comme un des titres de Bouddha, et on le trouve dans la formule d’invocation qui ouvre tous les livres palis, légèrement modifié, en arâha pour arhân. « Namo tassa Bhagavato arahato sammâ sambouddhassa, en samskrit : Namas tasmœ Bhagavate arhate samyak sambouddâdya, adoratio huic Bhagavat (domino) arhat (venerando) complete intelligenti. » Les mahométans nomment les prêtres bouddhistes d’Ava raulâs, nom que portent les rahân à Arakan (voy. Syme’s, Embassy to Ava, II, p. 331), Quant au mot talapoin, usité dans la presqu’île, depuis l’empire barman jusqu’à Laos, c’est la corruption de deux mots samskrits tala-patra, feuille de palmier, parce que tous les prêtres portent une large feuille de palmier comme éventail.