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je l’avois moins estimé, je ne me serois point tant précipitée de lui écrire : malheureuse précipitation, combien elle me cause de regrets !

Quoi qu’il en soit, je devrois peut-être me réjouir plutôt que de me chagriner, puisque cette affaire me découvre à fond le caractère de mylord Orville, et écarte une trop grande partialité qui m’aveugloit sur ses défauts, et ne me laissoit voir que ses vertus et ses bonnes qualités. Si j’avois été plus long-temps dans l’erreur, si j’avois eu le loisir de me fortifier dans les préjugés favorables que j’avois adoptés, qui sait à quelles extrémités mes fausses idées m’auroient conduite ! — Je crains que mon danger n’ait déjà été plus grand que je ne le croyois, et je n’y saurois penser sans trembler. Mon cœur n’étoit que trop enclin à recevoir des impressions, qui si elles avoient pris racine, ruinoient pour toujours mon repos et mon bonheur.

Quelque disposée que je sois à chasser de mon esprit la mélancolie qui l’assiége, et à vous présenter, mon amie, des images plus riantes, je n’y saurois réussir ; car, indépendamment de l’humiliation que je souffre, j’ai encore un autre sujet de chagrin : hélas ! ma chère Marie,