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Mais j’étois tellement abattu sous le poids de mes malheurs, que je laissai écouler plus de quinze jours sans penser à remettre la lettre à son adresse. J’y fus contraint par nécessité. Je me pourvus d’un habit de deuil, afin de paroître décemment ; je me mis en devoir de chercher mon parent : on me dit qu’il étoit hors de ville.

Dans cet état désespéré, mon orgueil, qui jusqu’ici s’étoit roidi contre l’adversité, commença à plier, et je me décidai à réclamer les secours de l’ami qui m’avoit offert mille fois ses services. Je les avois toujours rejetés, et même dans ma triste situation j’attendis encore une semaine entière, avant que de me résoudre à lui envoyer une lettre, que je regardois comme le tombeau de mon indépendance, tant il est difficile de se défaire des principes, ou, si vous voulez, des préjugés qu’on a une fois contractés.

Enfin, réduit à mon dernier escalin, harcelé de la manière la plus insolente par mes hôtes, mourant presque de faim, je cachetai ma lettre, et je sortis pour la mettre à la poste. Mais M. Branghton et son fils m’assaillirent dans leur boutique ; ils m’insultèrent grossièrement,