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genoux, mais il me retint, et s’étant jeté sur un sofa, il y demeura dans une attitude qui marquoit le plus profond accablement.

Je respectois trop sa douleur pour penser à l’interrompre ; je me tins à l’écart, et j’attendis en silence qu’il se fût remis. Mais tout-à-coup il entra dans une espèce de fureur ; il se leva en sursaut, et s’écria d’un ton qui me fit trembler : « Eh bien ! ma fille, as-tu assez humilié ton père ? — Si cette preuve de ma foiblesse te suffit, sors, et ne me tourmente plus par ta présence ».

Un ordre aussi sévère et aussi inattendu me frappa comme la foudre ; je restai immobile et muette, incertaine si j’avois bien entendu.

« Sors, te dis-je, reprit-il avec emportement ; retire-toi, du moins par pitié : laisse-moi, si je dois conserver l’usage de ma raison, — laisse-moi pour toujours ».

« J’obéis », lui répondis-je toute tremblante, et je pris aussi-tôt le chemin de la porte ; mais, avant que de l’atteindre, je me retournai par un mouvement involontaire, et je tombai à genoux. « Ne refusez pas, monsieur, votre bénédiction à votre fille ; c’est la seule grace