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vrant mon visage des deux mains, je tombai à terre sans connoissance.

Mon père m’avoit regardée attentivement, et il s’écria d’une voix à peine intelligible : « Grand Dieu ! ma Caroline est-elle encore en vie » !

Madame Selwyn lui répondit ; mais je n’ai pas compris ce qu’elle disoit. Sir Belmont m’adressa la parole après un moment de silence : Relève-toi, et ne crains pas ma vue : — lève la tête, ô toi, l’image vivante de mon infortunée Caroline » !

Affectée au-delà de toute expression, je me soulevai et j’embrassai ses genoux : « Oui, oui, s’écria-t-il après m’avoir fixée d’un œil sévère, je vois que tu es sa fille : — elle vit, — elle respire en toi, — je la vois devant moi, — Oh ! que n’est-elle réellement encore en vie » ! Ensuite il me repoussa avec un regard égaré, et il ajouta : « Retire-toi, retire-toi ; ôtez-la, madame, de devant mes yeux, je ne saurois soutenir sa vue ». Et en même temps il s’arracha d’entre mes bras, et se précipita hors de la chambre.

Effrayée et tremblante, je n’eus pas le courage de l’arrêter ; mais madame Selwyn le suivit et le retint par le bras : « Laissez-moi, lui dit-il, et prenez soin