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mière, et nous partîmes d’assez bonne heure.

Mylord Orville nous reçut avec un sérieux glacé : pas une seule de ces distinctions flatteuses dont je me suis tant louée ; pas la moindre marque d’une simple politesse : lady Louise elle-même n’auroit pu me faire un accueil plus froid. Sir Clément, qui resta à souper, se plaça à côté de moi, sans que mylord Orville cherchât à l’en détourner ; jusqu’ici cependant il avoit toujours ambitionné d’être mon voisin à table.

Cette petite circonstance m’affecta beaucoup ; j’ai tâché cependant d’en être bien aise ; l’oubli et l’indifférence, voilà ce que je dois demander pour me réconcilier avec moi-même. Mais, hélas ! — déchoir de la sorte dans son estime ! — perdre tout d’un coup son amitié ! cette idée me perçoit le cœur ; je ne sus quelle contenance garder, et malgré tous mes efforts je ne pus retenir quelques larmes qui se glissèrent le long de mes joues. Lord Orville ne s’en apperçut pas, et je réussis à me remettre assez pour tenir ferme jusqu’à la fin du repas. Dès que sir Clément fut parti je me retirai, sans oser risquer de rencontrer les yeux d’Orville.