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mauvais effet que devoit produire mon air rêveur et distrait. Enfin, après un moment de réflexion, je regardai autour de moi, et je m’apperçus que M. Villars avoit mis son livre de côté, pour m’observer à son aise. Aussi-tôt je revins de ma léthargie ; et, sans savoir ce que je disois, je lui demandai s’il avoit lu.

« Oui, me répondit-il après une petite pause ; oui, mon enfant, je viens d’étudier un livre qui m’afflige et m’embarrasse ».

Je compris de quel livre il prétendoit parler, et vous sentez bien que je ne fus pas prompte à répliquer.

« Qu’en pensez-vous ? continua-t-il ; si nous lisions ensemble ? Voulez-vous m’aider à débrouiller ce que le sujet a d’obscur » ?

Je poussai un profond soupir ; et s’approchant de moi, il me dit d’un ton ému : « Mon enfant, je ne saurois être plus long-temps témoin indifférent de vos chagrins ; — vos soucis ne sont-ils pas les miens ? est-il juste d’ailleurs que vous m’en laissiez ignorer la cause, puisque j’en partage l’effet » ?

« La cause, monsieur ! et quelle cause, je vous prie ? — Je ne sais pas ; j’ignore moi-même… ».