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Il continua dans ce beau style, sans que j’eusse le courage de lui répondre un seul mot : j’essayai seulement de dégager ma main, qu’il serra, malgré mes efforts, entre les siennes.

Un moment après, il me dit qu’il croyoit que le cocher s’étoit détourné du chemin. Il appela son domestique, et lui donna des ordres ; puis il reprit ses propos. « Combien de fois et avec quelle assiduité n’ai-je pas cherché l’occasion de vous parler, madame, sans témoin, du moins sans la présence du brutal capitaine ! La fortune me favorise dans cet instant : permettez que je ne le laisse pas échapper ; permettez que je vous jure combien je vous adore ».

Cette déclaration inattendue étoit un coup de foudre pour moi  ; je gardai un instant le silence, et dès que je fus revenue, je lui dis : « Monsieur, si vous vous êtes proposé de me faire regretter d’avoir quitté imprudemment ma compagnie, vous réussissez à merveille ».

« Ma très-chère miss, s’écria-t-il, pouvez-vous être si cruelle ? votre caractère démentiroit-il votre physionomie ? ce coloris de roses, qui anime vos belles joues, seroit-il moins l’effet de la douceur que de la beauté » ?