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où nous nous rendîmes l’une et l’autre sans ouvrir la bouche une seule fois. Je lui donnai un appartement convenable, et une femme pour la soigner ; je lui fis fournir tout ce dont j’imaginai qu’elle pourrait avoir besoin. Je continuai moi-même à habiter cette maison ; mais accablé de remords pour les crimes où mes mauvais traitements l’avaient précipitée, il m’était impossible de supporter sa vue.

Au bout de peu de jours, la femme que j’avais placée auprès d’elle pour la servir, m’assura que la manière dont elle se conduisait devait nécessairement lui causer la mort ; qu’elle ne voulait faire usage que de pain et d’eau ; qu’elle ne dormait ni ne parlait. Alarmé d’un pareil avis, je volai à son appartement. La fierté et le ressentiment firent place à la tendresse et à la pitié ; je la priai de se tranquilliser, de prendre courage. Tout ce que je pus dire fut sans effet, elle continua à garder le silence, et ne parut pas même m’entendre. Je m’humiliai devant elle comme aux jours de son innocence ; la suppliant de prêter l’oreille à mes discours ;