Page:Burney - Cecilia ou Memoires d une heritiere 6 an III.djvu/33

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment. Cécile aurait voulu lui épargner cette mortification ; mais il refusa de profiter de cette condescendance ; et comme il y avait long-temps qu’elle desirait de savoir quelque chose de son histoire, et de connaître les motifs de sa conduite extraordinaire, elle l’écouta très-attentivement.

Je ne parlerai point de ma famille, dit-il ; l’exactitude historique est ici fort peu nécessaire, et ne fait rien à notre but.

Je suis né en Amérique, d’où l’on me fit passer de bonne heure en Europe, pour y être instruit. Pendant que j’étais encore à l’université, je vis, j’adorai et je recherchai une charmante personne qui était à peine dans son printemps ; jamais cœur plus tendre n’éprouva traitement plus indigne. Elle était pauvre et sans appui, fille d’un simple paysan, sans expérience, sans prétentions, le modèle de l’innocence. Elle n’avait que quinze ans, et son cœur fut une conquête facile ; cependant, une fois à moi, rien ne fut plus capable de la tenter. Elle fut en butte à toutes les ruses auxquelles on a recours