Page:Burney - Cecilia ou Memoires d une heritiere 6 an III.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.

jeune… si innocente… Il est cruel… Et ne t’aurait-on rien laissé ? pas la moindre espérance ? Abuser, abuser inhumainement de cette ingénuité primitive qui n’est point encore totalement effacée ! Cécile pleura sans répondre. Ne permets pas, dit-il, que ma compassion s’épuise pour rien, elle n’est point affectée chez moi ; dis-moi donc si tu en es digne, ou si tes maux sont imaginaires et ta douleur feinte. Feinte ! répéta-t-elle grand dieu !… Réponds donc à mes questions ; elles te feront connaître les seules infortunes qui peuvent la rendre excusable. Dis-moi si la mort t’aurait enlevé ton plus cher ami ? Non. Aurais-tu dissipé ta fortune par tes extravagances, et te serais-tu mise pour la suite hors d’état de secourir les malheureux ? Non ; je me flatte qu’il m’en reste encore la volonté et le pouvoir. En ce cas, tu es trop heureuse ! Te serais-tu souillée de quelque crime, et ta conscience en serait-elle chargée ? Serais-tu en proie aux remords vengeurs ?