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Malgré tous ses efforts, sa perplexité vers le soir de cette même journée devint presqu’insupportable. Elle avait promis à Delvile de partir le lendemain pour Londres, et il espérait que le jour suivant elle serait sa femme. M. Monckton n’envoyait personne, et ne venait point lui-même : elle ignorait si sa lettre avait été rendue, ou si Delvile ignorait encore le coup dont il était menacé. Le chagrin qu’elle allait lui causer se présentait à son esprit et déchirait son âme. Elle se le représentait indigné, offensé, l’accusant d’inconstance, la soupçonnant peut-être même d’artifice, attribuant son changement à des motifs vains et frivoles, et finissant par la bannir avec mépris de son esprit. Mais bientôt ce tableau changeait à ses yeux, elle ne voyait plus Delvile furieux et déraisonnable ; elle le voyait triste, consterné, désespéré d’avoir été trompé. Il ne lui faisait point de reproche ; mais ses regards étaient plus mortifiants que les expressions les plus dures n’auraient pu l’être.

Ces idées la poursuivaient par-tout, et