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blie tout, mes projets pour l’avenir, mes chagrins passés. Je m’occupe jusqu’au moment où j’ai besoin de repos ; et ce repos que la nature exige, ne me conduit point à de vaines méditations, mais à un sommeil salutaire et profond. Je me réveille le lendemain pour reprendre les mêmes fonction, qui ne me laissent point le temps de réfléchir ; je travaille de nouveau tant que mes forces me le permettent, et la nuit ramène pour moi la même insensibilité. Ah ! s’écria Cécile, si c’est là ce que vous nommez une vie heureuse, pourquoi les pauvres se plaignent-ils continuellement de leurs peines et de leur misère ? Ils n’ont jamais connu d’autre vie que celle qu’ils mènent ; par conséquent ils ne conçoivent point combien leur sort est heureux. S’ils avaient vécu dans le monde, qu’ils se fussent bercés de vaines espérances ; s’ils avaient été recherchés par les grands, qu’on leur eût prodigué les louanges, et que quand ils se seraient trouvés dans la peine, on ne leur eût rien offert de plus ;… s’ils avaient vu un cercle nom-