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rien de vil ; ses inclinations, son éducation et son caractère étaient tels qu’elle eût pu les désirer ; et cependant, au moment où leur union paraissait ne devoir souffrir aucune difficulté, qu’ils habitaient sous un même toît, que le père de l’un était le tuteur de l’autre, et que leurs intérêts mutuels, encore plus que leur affection, semblaient les inviter à former cette alliance, le jeune homme, de lui-même, sans qu’on le lui ordonnât, par un effort volontaire, s’arrachait d’auprès d’elle, et loin de chercher à gagner son cœur, la priait presque de ne pas l’aimer. Il se condamnait à l’exil, quittait sa patrie et ses liaisons, sans autre vue, sans aucun autre motif que de fuir la présence de la personne qu’il adorait. Quoiqu’instruite enfin du motif d’une pareille conduite, elle ne la trouvait ni raisonnable ni nécessaire ; mais en blâmant sa fuite, elle pleurait sa perte : elle admirait, en gémissant, la force qu’il avait eue de vaincre sa passion.