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les jeunes personnes de sa condition ; ses progrès avaient été précisément tels qu’ils devaient l’être pour qu’elle fût comme toutes celles qui passent pour avoir été bien élevées. Elle chantait un peu, touchait du clavecin, peignait, travaillait un peu, et dansait beaucoup. Elle avait de l’esprit et des talents naturels, quoiqu’ils n’eussent été guères cultivés ; elle manquait absolument de jugement et de prudence : elle s’embarrassait très-peu de déplaire, et était fort indifférente sur tout ce qu’on pouvait penser d’elle : son seul plaisir était d’étonner par son babil ; que cet événement lui fût avantageux ou préjudiciable, c’est à quoi elle ne se donnait pas la peine de réfléchir un instant. Un caractère aussi léger était peu propre à inspirer de l’estime ou de la considération à Cécile, qui, dans toute autre époque de sa vie, aurait été fatiguée de son obstination à ne pas la quitter ; mais dans l’incertitude où était alors son esprit, l’étourderie de milady servit à l’amuser. Elle ne pouvait cependant pas s’empêcher d’être blessée,