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de lui envoyer un piano-forte ; elle aimait l’ouvrage, et trouvait dans la conversation de madame Delvile une ressource sûre contre l’ennui et la tristesse. Laissant donc son impénétrable fils entièrement à lui-même, elle s’efforça prudemment de ne plus penser à lui, et de cesser d’occuper son esprit de conjectures qui ne pouvaient la satisfaire, et de doutes qu’il lui était impossible d’éclaircir.

Il venait au château très-peu de gens du voisinage, et il y en avait encore moins auxquels on rendît leurs visites. La fierté de M. Delvile avait révolté toute la noblesse des environs, qui trouvait moyen de passer son temps plus agréablement qu’à entendre parler de la distance immense qui existait entre elle et lui. Quoiqu’on ne refusât pas d’en convenir, ce sujet n’était pas assez flatteur pour qu’on s’accoutumât à l’entendre. Si l’on fuyait par aversion M. Delvile, la crainte n’engageait pas moins à éviter son épouse, haute et fière ; on l’ennuyait, on la fatiguait bientôt ; elle ne supportait ni les