Page:Burney - Cecilia ou Memoires d une heritiere 1 an III.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.

usage du monde, et à l’art de distinguer avec la plus grande facilité le caractère de ceux avec qui il avait à traiter, celui de déguiser parfaitement le sien. Desirant ardemment d’acquérir une fortune, et d’obtenir la considération, suite de l’opulence, il s’était marié de très-bonne heure avec une riche douairiére de condition, dont l’âge avancé, puisqu’elle comptait déjà soixante-sept ans, n’était cependant qu’une de ses qualités les moins désagréables, son humeur étant encore plus repoussante que ses rides. Une si grande disproportion d’âge lui avait fait espérer que les richesses qu’il s’était ainsi procurées seraient bientôt débarrassées de ce qui en rendait la jouissance moins agréable ; mais son attente fut aussi vaine qu’intéressée : sa femme n’était pas plus la dupe de ses protestations, qu’il ne l’était lui-même de ses espérances. Il connaissait trop bien le monde, pour s’exposer à sa critique, en maltraitant la femme à laquelle il devait le rang qu’il y occupait. Il est vrai qu’il ne la voyait que rarement ; mais