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Il s’attendait que Mme Errol allait se mettre à pleurer, à gémir et à se lamenter comme plus d’une aurait fait à sa place, et il en était ennuyé et embarrassé d’avance ; mais il n’en fut rien. Elle alla à la fenêtre, resta quelques instants le dos tourné vers la chambre, et M. Havisam s’aperçut qu’elle s’efforçait de commander à ses sentiments.

« Le capitaine Errol avait conservé le meilleur souvenir de Dorincourt, dit-elle enfin, en venant reprendre sa place ; il en était fier, ainsi que de son nom. L’Angleterre et tout ce qui était anglais lui était cher. C’était un grand chagrin pour lui d’avoir quitté son pays ; il aurait été heureux de penser que son fils pût y retourner un jour, et je crois en effet que ce sera un bien pour mon petit garçon qu’il en soit ainsi. J’espère — je suis sûre — que le comte ne sera pas assez cruel pour essayer de détourner de moi le cœur de mon fils, et je suis sûre aussi que, s’il l’essayait, il n’y parviendrait pas. C’est une nature chaude et sincère et un cœur fidèle. Il m’aimerait toujours, même quand on le séparerait complètement de moi, et, tant que nous pourrons nous voir, je ne souffrirai pas trop d’en être séparée, puisque c’est pour le bien de son avenir.

— Elle ne pense pas à elle, se dit le vieil homme de loi ; elle n’est pas égoïste, comme le prétendait le comte. Madame, reprit-il, votre fils vous remerciera plus tard du sacrifice que vous vous imposez aujourd’hui. Je puis vous affirmer que lord Fautleroy sera très soigneusement élevé et que tout sera fait pour assurer son bonheur. Le comte de Dorincourt sera aussi anxieux de son bien-être que vous pourriez l’être vous-même.