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pour un vieillard égoïste, qui pendant soixante-dix ans n’avait jamais eu une pensée qui ne fût pour lui, et qui n’avait jamais daigné se soucier de l’opinion que le monde pouvait avoir de lui, tant que cette opinion ne nuisait ni à sa satisfaction ni à ses intérêts. Par le fait, jusque-là, il ne s’était jamais donné la peine d’y réfléchir, et, chose étonnante, s’il y avait été amené en ce moment, c’est parce qu’un enfant l’avait cru meilleur qu’il n’était, qu’il avait exprimé le désir de marcher sur ses « glorieux » pas et de suivre son exemple. Ce désir avait conduit le vieux comte à se demander s’il était réellement la personne que son petit-fils dût prendre pour modèle.

Cédric pensa que le pied du comte devait le faire souffrir, car il fronçait les sourcils tandis qu’il regardait au dehors, par la fenêtre de la voiture. Dans cette pensée, le petit garçon cessa de parler, de peur de lui irriter les nerfs, et se contenta de jouir en silence de la vue du parc et des beaux arbres. Mais la calèche, après avoir passé la grille et traversé rapidement de vertes prairies, s’arrêta enfin. On avait atteint la Loge. Cédric fut à terre presque avant que le valet de pied eût ouvert la portière de la voiture.

Le comte sortit de sa rêverie.

« Qu’y a-t-il ? dit-il, avec un léger tressaillement ; sommes-nous arrivés ?

— Oui, dit Cédric. Voici votre canne ; appuyez-vous sur moi pour descendre.

— Je ne descends pas, répliqua le comte brusquement.

— Comment ! vous n’allez pas voir Chérie ? dit l’enfant avec surprise.