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DU SUBLIME


SECTION V.
La Joie et le Chagrin.

On doit observer que la cessation du plaisir affecte l’ame de trois manières. S’il cesse simplement, après avoir duré un tems convenable, il laisse dans cet état’que nous avons nommé indifférence ; s’il est interrompu brusquement, on éprouve une sensation désagréable exprimée parle mot de contre-tems ; enfin, l’objet échappe-t-il sans laisser l’espoir d’une autre jouissance, cette perte est accompagnée d’un sentiment qu’on nomme chagrin. Or, je ne pense pas qu’aucune de ces affections, sans excepter celle du chagrin qui est la plus violente, ressemble en quelque chose à la douleur positive. L’homme qui se chagrine se laisse dominer par sa passion ; il s’y livre, il l’aime : il n’en est pas ainsi à l’égard d’une douleur réelle ; personne ne la souffre volontiers pendant un tems considérable. Qu’on s’abandonne volontairement au chagrin, quoique cette sensation soit loin d’être simplement agréable, ce n’est pas bien difficile à comprendre. Il est dans la nature du chagrin de s’attacher à son objet, de ne le per-