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ET DU BEAU.

goût, vous ne receviez un plaisir réel : cependant si je m’informe de l’état de votre âme avant ces sensations, difficilement vous me répondrez qu’elle souffrait quelque douleur ; ou direz-vous que ces divers plaisirs ayant cessé, quelque douleur leur a succédé ? Supposons, d’autre part, qu’un homme, dans le même état d’indifférence, reçoive un coup violent, qu’il boive d’une liqueur amère, ou qu’il ait ses oreilles déchirées par des sons aigres et perçans ; il n’y a ici nul éloignement de plaisir, et cependant chacun des sens affectés éprouve une douleur très-distincte. On dira peut-être que, dans ce cas, la douleur provient de l’éloignement du plaisir dont la personne jouissait, quoique ce plaisir existât dans un si faible degré que son éloignement a pu seul le rendre perceptible. Mais c’est une subtilité qui n’est pas dans la nature. Car si avant la douleur je ne sens aucun plaisir réel, je n’ai aucune raison de juger qu’il existe ; puisque le plaisir n’est plaisir qu’autant qu’il est senti. Il en est de même de la douleur. Je ne pourrai jamais me persuader que le plaisir et la douleur soient de pures relations, qui ne peuvent exister que par un contraste mutuel ; mais je crois discerner clairement qu’il y a des douleurs et des