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DU SUBLIME

pensent que la douleur provient nécessairement de l’éloignement de quelque plaisir et, réciproquement, que le plaisir naît de la cessation ou de la diminution de quelque douleur. Pour moi, je suis porté à croire que la douleur et le plaisir, dans leur manière d’affecter la plus simple et la plus naturelle, sont chacun d’une nature positive, et non, en aucune façon, nécessairement dépendans l’un de l’autre. L’esprit humain est souvent, je dirai même la plupart du tems, dans un état également exempt de douleur et de plaisir, que j’appelle état d’indifférence. Lorsque de cet état je suis transporté dans un état de plaisir actuel, il ne paraît pas nécessaire que je passe par le milieu d’aucune espèce de douleur. Supposez-vous dans cet état d’indifférence, d’aise, ou de tranquilité, n’importe le nom qu’il vous plaira de lui donner ; et imaginez que vous y êtes soudain surpris par la mélodie d’un concert, ou par la présence inattendue d’un objet revêtu de belles formes, et brillant des plus vives couleurs ; ou que le parfum d’une rose vient flatter votre odorat ; ou enfin que votre palais, sans éprouver le besoin de la soif, se trouve abreuvé d’une liqueur exquise : il n’est pas douteux que, par les divers sens de l’ouie, de la vue, de l’odorat et du