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DU GOUT

tinct au moyen duquel nous sommes frappés naturellement, et au premier coup d’œil, sans aucun raisonnement antérieur, des beautés ou des défauts d’une composition. Dans tout ce qui intéresse l’imagination et les passions, je crois qu’en effet la raison est peu consultée ; mais en ce qui regarde la disposition, la bien séance, la convenance, en un mot, là où le meilleur goût diffère du pire, je suis convaincu que l’entendement opère seul ; et, dans la réalité, il s’en faut que son opération soit toujours soudaine, ou, lorsqu’elle est soudaine, il s’en faut souvent qu’elle soit juste. Il n’est pas rare de voir des hommes du goût le plus sûr désavouer, après un examen plus attentif, ces jugemens hâtés et précipités que l’esprit, impatient de la neutralité et du doute, aime à former sur le champ. On sait que le goût ( quelle que soit sa nature) se perfectionne absolument de la même manière que le jugement, par nos pro grès dans les connaissances, par une attention soutenue à notre objet, et par un fréquent exercice. En ceux qui n’ont pas suivi ces méthodes, si le goût décide promptement, c’est toujours d’une manière incertaine ; et leur vivacité est due à leur présomption et à leur impatience, et non à aucune irradiation qui dissipe en