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DU GOUT.

Un homme de ce caractère ne saurait être un fin critique ; il ne sera jamais ce que le poète comique appelle elegans formarum spectator. On ne peut estimer que d’une manière imparfaite l’excellence et la force d’une composition d’après son effet sur certains esprits, à moins qu’on ne connaisse le tempérament et le caractère de ces esprits.

Les plus puissans effets de la poésie et de la musique ont été déployés, et sont peut-être encore déployés en des lieux où ces arts languissent dans le dernier degré d’imperfection. L’amateur grossier est touché par les principes qui opèrent dans ces arts lors même qu’ils ne sont pas sortis de leur première grossièreté, et il n’est pas assez instruit pour en apercevoir les défauts. Mais tandis que les arts avancent vers leur perfection, la science de la critique avance d’un pas égal, et le plaisir des juges est fréquemment interrompu par les fautes qu’ils découvrent dans les compositions les mieux finies.

Avant d’abandonner ce sujet, je ne puis m’empêcher de dire un mot sur une opinion assez répandue. Bien des gens pensent que le goût est une faculté séparée de l’esprit, et distincte du jugement et de l’imagination ; une espèce d’ins-