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DU GOUT.

et par cette qualité elle leur plaît à tous deux. Ils sont d’accord jusque là ; mais qu’on leur présente successivement plusieurs autres tables dont la suivante soit toujours plus polie que la précédente : il est très-vraisemblable que ces hommes, qui s’accordent si bien sur ce qui est poli, et sur le plaisir qui en résulte, différeront quand il s’agira de décider laquelle de ces tables l’emporte par le poli. C’est là que réside réellement la grande différence des goûts, lorsque les hommes viennent à comparer l’excès ou le défaut des choses qui s’estiment en degrés et non en mesures. Et, quand, cette différence a lieu, il n’est pas aisé de décider la question, à moins que l’excès ou le défaut ne soit très-frappant. Si l’on n’est pas d’accord sur deux quantités, on peut recourir à une mesure commune, qui éclaircit le fait avec la dernière exactitude ; et c’est, à mon avis, ce qui donne aux sciences mathématiques une certitude que n’ont pas les autres. Mais les choses dont on n’estime pas l’excès par le plus grand ou le plus petit, comme le poli et le rude, le dur et le mou, l’obscurité et la lumière, les ombres des couleurs, toutes ces choses sont aisément distinguées lorsque la différence est un peu considérable, mais non