Page:Burke Edmund - Recherche philosophique sur l origine de nos idees du sublime et du beau - 1803.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
DU GOUT

tems et les lieux ; parce que lui-même n’a aucune connaissance de la géographie ni de la chronologie, et qu’il n’a jamais examiné sur quoi se fonde la vraisemblance. Il lit peut-être la description d’un naufrage que fauteur fait arriver sur les côtes de Bohème : tout entier à un évènement si intéressant, inquiet seulement du destin de son héros, il ne s’inquiète aucunement d’une bévue aussi extravagante. Car pourquoi serait — il choqué d’un naufrage sur les côtes de Bohème, lui qui ignore si la Bohème n’est pas une île de l’Océan atlantique ? et, après tout, est-ce un reproche à faire au bon goût naturel de cet ignorant ?

Ainsi donc, autant que le goût appartient à l’imagination, son principe est le même en tous les hommes ; il n’y a aucune différence dans leur manière d’être affectés, ni dans les causes de l’affection ; il n’y en a que dans le degré, et elle vient principalement de deux causes ; ou d’un degré supérieur de sensibilité naturelle, ou d’une attention plus longue et plus entière donnée à l’objet. Pour éclaircir ceci par le procédé des sens, où l’on trouve la même différence, supposons que l’on montre à deux hommes une table de marbre très-polie : tous deux aperçoivent qu’elle est polie,