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DU GOUT.

thieque fait naître un incident si triste, si frappant, si propre à émouvoir. Le goût, en tant qu’il est naturel, est à peu près commun à tous les hommes.

La même parité peut être observée dans la poésie et dans les autres ouvrages d’imagination. Il est vrai que tel lecteur est charmé de don Bellianis, et parcourt froidement Virgile ; tandis qu’un autre est transporté par l’Énéide, et laisse don Bellianis aux enfans. Ces deux hommes semblent différer beaucoup dans leurs goûts, et, par le fait, diffèrent très-peu. Ces ouvrages, qui inspirent des sentimens si opposés, consistent chacun dans une fable qui excite l’admiration ; tous deux sont pleins d’action ; tous deux sont animés par les passions ; tous deux offrent des voyages, des combats, des triomphes, et l’infatigable inconstance de la fortune. L’admirateur de don Bellianis n’en tend peut-être pas le langage épuré de l’Énéide ; et si ce poème était écrit dans le style ignoble du Voyage du Pèlerin, il en pourrait sentir toute l’énergie, en partant du même principe qui lui fait admirer don Bellianis.

Il n’est pas choqué de voir son auteur favori ; violer continuellement les règles de la vrai semblance, offenser les mœurs, confondre le