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DU GOUT.

figure humaine avec assez de soin pour qu’ils puissent juger convenablement de l’imitation qu’on en fait. De nombreux exemples prouvent que le goût critique ne dépend d’aucun principe supérieur qui soit en nous, mais d’une supérieure connaissance. Qui ne connaît pas l’histoire de l’ancien peintre et du cordonnier ? Celui-ci redressa fort bien le peintre sur un défaut qu’il aperçut dans le soulier d’une de ses figures, et que le peintre, qui n’avait pas fait d’aussi exactes observations sur les souliers, et qui se contentait d’une ressemblance générale, n’avait jamais remarqué. Cela n’empêchait pas que le peintre n’eût du goût, et prouvait seulement qu’il n’avait pas une grande connaissance dans l’art de faire les souliers. Imaginons qu’un anatomiste fût entré à son tour dans l’atelier du peintre ; le tableau est généralement bien fait, la figure dont on a parlé est dans une belle attitude, et les parties en sont parfaitement disposées selon leurs divers mouvemens ; cependant l’anatomiste, critique dans son art, peut observer le jeu de quelque muscle qui n’est pas exactement en harmonie avec l’action particulière de la figure. L’anatomiste observe ici ce que le peintre n’a pas observé, et n’est pas frappé de ce que le cordonnier a