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DU GOUT

et son esprit, entièrement préoccupé de cette ressemblance, ne remarque aucun de ses défauts. C’est, je crois, ce que personne n’a fait en voyant pour la première fois un morceau d’imitation. Quelque tems après, que notre novice porte ses yeux sur un ouvrage de la même nature, mais travaillé avec plus d’art ; il commence dès ce moment à regarder avec mépris ce qu’il a d’abord admiré ; non qu’il l’ait admiré même alors à cause de sa dissemblance avec un homme, mais au contraire, à cause de sa ressemblance générale quoiqu’inexacte qu’il avait avec la figure humaine. Ce qu’il a admiré en divers tems dans ces figures si différentes, est absolument la même chose ; et bien que sa connaissance soit perfectionnée, son goût n’est pas changé. Jusqu’ici sa méprise a été occasionnée par un défaut de connaissance de l’art qui venait de son inexpérience ; mais la connaissance de la nature peut toujours lui manquer. Car il est possible que la personne dont nous parlons n’aille pas plus loin, et que le chef-d’œuvre d’un grand maître ne lui plaise pas davantage que l’ouvrage médiocre d’un artiste vulgaire ; non par défaut d’un goût meilleur ou plus exquis, mais parce que les hommes en général n’observent pas la