Page:Burke Edmund - Recherche philosophique sur l origine de nos idees du sublime et du beau - 1803.djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
DU GOUT.

Fait une observation très-délicate et non moins juste, c’est que[1] l’esprit consiste principalement à saisir les ressemblances, au lieu que le jugement s’applique à découvrir les différences. D’après cette supposition, il pourrait paraître qu’entre l’esprit et le jugement il n’y a aucune distinction essentielle, puisque l’un et l’autre semblent résulter de différentes opérations de la même faculté de comparer. Mais dans la réalité, qu’ils dépendent ou non du même pouvoir de l’entendement, ils diffèrent si essentiellement sous plusieurs rapports, qu’une parfaite réunion d’esprit et de jugement est la chose du monde la plus rare. Lors que deux objets distincts sont dissemblables, c’est à quoi nous nous attendons, les chose

  1. « Au lieu que ce qu’on appelle esprit ( dit Locke) consiste pour l’ordinaire à assembler des idées, et à joindre promptement, et avec une agréable variété celles en qui on peut observer quelque ressemblance ou quelque rapport, pour en faire de belles peintures qui divertissent et frappent agréablement l’imagination ; au contraire le jugement consiste à distinguer exactement une idée d’avec un autre, si l’on peut y trouver la moindre différence, afin d’éviter qu’une similitude ou quelque affinité ne nous donne le change en nous faisant prendre une chose pour l’autre. »