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DU GOUT.

sirs de la vue acquiescent plus communément eux-mêmes, et ne sont pas aussi souvent adultérés par des considérations qui sont indépendantes de la vue même. Mais les objets ne se présentent pas spontanément au palais comme à la vue : en général, on les y applique comme nourriture ou comme médicament ; et, selon les qualités nutritives ou médicales qu’ils possèdent, ils forment le palais par degrés et par la force de ces associations. Ainsi, l’opium fait le délice des Turcs, à cause de l’heureux délire qu’il produit. Le tabac charme les Hollandais par l’engourdissement et l’agréable léthargie où il plonge les esprits. Le peuple est avide des liqueurs fermentées, parce qu’elles bannissent les soucis, et qu’elles écartent toute considération des maux présens et futurs. Toutes ces choses seraient absolument négligées, si, dès l’origine, leurs propriétés ne s’étaient pas étendues au-delà du goût ; mais, ainsi que le thé, le café et quelques autres objets, de la boutique du pharmacien elles passèrent sur nos tables, et long-tems avant qu’on songeât à en faire une jouissance, on les prenait pour raison de santé. L’effet du médicament nous a portés à en user souvent ; et le fréquent