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DU GOUT.

doux, le lait amer, et le sucre aigre ; on conclut aussitôt que les organes de cet homme sont en désordre, et que son palais est vicié. Nous nous abstenons autant de discourir sur les goûts avec un esprit de cette trempe, que de raisonner sur les relations de quantité avec un homme qui nierait que toutes les parties ensemble fussent égales au tout. Nous n’accuserons pas un homme qui pense ainsi d’avoir de fausses notions, nous dirons qu’il est absolument fou. Des exceptions de ce genre, dans l’un et l’autre cas, ne peuvent en aucune façon détruire notre règle générale, ni nous faire conclure que les hommes aient différens principes concernant les relations de quantité ou le goût des choses. Ainsi lorsqu’on dit, on ne peut pas disputer du goût, cela signifie seulement qu’on ne saurait répondre précisément du plaisir ou de la douleur qu’un homme en particulier peut trouver dans le goût d’une chose particulière. C’est là réellement sur quoi on ne peut pas disputer ; mais on le peut, et même avec assez de clarté, sur les choses qui sont naturellement agréables ou désagréables au sens du goût. Cependant pour parler de quelque goût particulier ou acquis, il faut connaître les habitudes, les préjugés, ou les infirmités