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DU GOUT

qui s’appliquent aux objets extérieurs, sont les sens, l’imagination et le jugement, du moins je n’en connais point d’autres. Commençons par les sens. Nous supposons, et nous devons supposer, que chez tous les hommes, la conformation de leurs organes étant à peu près ou entièrement la même, la perception des objets extérieurs se fait de la même manière, ou peu s’en faut. Nous sommes convaincus que ce qui paraît lumineux à un œil, paraît lumineux à un autre ; que ce qui est doux pour un palais, est doux pour un autre palais ; que ce qui est obscur et amer pour cet homme-ci, est de même obscur et amer pour ce lui-là : nous concluons de la même manière à l’égard du grand et du petit, du dur et du mou, du chaud et du froid, du rude et du poli, et réellement à l’égard de toutes les qualités et affections naturelles des corps. Si nous nous permettons d’imaginer que les sens présentent aux différens hommes différentes images des choses, ce scepticisme rendra vain et frivole tout raisonnement possible sur quelque sujet que ce soit, et ce raisonnement sceptique même qui nous aura persuadés d’avoir un doute sur l’accord de nos perceptions. Mais comme peu de personnes, douteront que