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ET DU BEAU.

remarquer que les langues très-polies, celles dont on vante la clarté et la précision, manquent de force en général. La langue française a cette perfection et ce défaut [1]. Au lieu que les langues orientales, et générale ment celles que parlent la plupart des peuples grossiers, ont dans l’expression beaucoup de force et d’énergie ; et cela est tout naturel. L’homme ignorant observe simplement les choses, et ne les distingue pas en critique ; mais, pour cette raison, il admire davantage, il reçoit de tout ce qu’il voit des impressions plus profondes, et par conséquent s’exprime avec plus de passion. Si l’affection est bien communiquée, elle fera son effet sans aucune idée claire, souvent sans aucune idée de la chose qui l’a primitivement occasionnée.

La fécondité du sujet aurait pu faire attendre que je considérerais la poésie dans ses rapports avec le Sublime et le Beau d’une ma-

  1. Je pardonnerais presque aux Anglais de n’avoir jamais senti toute la force du divin poète créateur d’Athalie ; il l’a si bien déguisée par l’élégance, la souplesse et l’harmonie de son style. Mais comment M. Burke a-t-il pu ne pas être frappé de la force de Corneille, de Bossuet, et de bien d’autres écrivains français qui sont montés au premier rang du monde littéraire.