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DU SUBLIME

que dans les discours ordinaires nous nous faisons suffisamment entendre sans faire naître des images des choses dont nous parlons. Il semble assez étrange de disputer à quelqu’un, s’il a des idées dans l’esprit, ou non. C’est de quoi chaque homme devrait juger au premier coup d’œil par lui-même et sans appel. Mais quelque étrange que cela puisse paraître, nous sommes souvent embarrassés de savoir quelles idées nous avons des choses, ou si nous avons aucunement des idées sur certains sujets. Ce n’est pas même sans une grande attention qu’on peut pleinement se satisfaire sur ce point. Depuis que j’ai fait cet ouvrage, j’ai trouvé deux exemples bien frappans de la possibilité qu’il y a qu’un homme entende des mots sans avoir aucune image des choses qu’ils représentent, et qu’il soit néanmoins capable de les rapporter à d’autres, combinés d’une nouvelle manière, et avec beaucoup de propriété, d’énergie, et d’instruction. Le premier exemple m’est fourni par M. Blacklock, poète aveugle de naissance. Peu d’hommes favorisés de la vue la plus parfaite pourraient décrire les objets visuels avec plus, de chaleur et de justesse que cet aveugle ; à quoi l’on ne saurait répondre qu’il a une concep-