Page:Burke Edmund - Recherche philosophique sur l origine de nos idees du sublime et du beau - 1803.djvu/319

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
295
ET DU BEAU.

nourrice, ou toute autre personne qui approche un enfant, en paraissant satisfaite ou mécontente de quelque chose, ou même de quelque mot, peut donner un tour semblable aux dispositions de cet enfant. Dans la suite, lorsque les diverses circonstances de la vie viennent à s’appliquer à ces mots, que ce qui plaît s’offre souvent sous le nom de mal, et que ce qui répugne à la nature se désigne par les termes de bon et vertueux il se forme dans l’esprit de bien des gens une étrange confusion d’idées et d’affections ; ils croient même apercevoir une grande contradiction entre leurs notions et leurs actions. Combien n’en voit-on pas qui aiment la vertu et détestent le vice, sans affectation et sans hypocrisie, et qui, néanmoins, agissent souvent mal et méchamment dans des cas particuliers sans le moindre remords. La raison en est qu’ils ne se trouvèrent jamais dans ces cas particuliers lorsque les passions relatives à la vertu étaient si ardemment émues par certains mots que d’autres avaient d’abord prononcés avec chaleur. De-là vient aussi qu’il est difficile de répéter certaines suites de mots, quoique considérés comme sans effets par eux-mêmes, sans éprouver quelque émo-