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ET DU BEAU

belle, qu’elle inspirerait par sa présence des idées agréables, qu’elle pourrait devenir un objet d’amour. La seule chose qui pourrait nuire à notre plaisir, c’est que de telles créatures, comment qu’elles soient formées, sont extraordinaires, et, d’après cela, souvent regardées comme des espèces de monstres. Le grand, le gigantesque, quoique très-compatible avec le sublime, est contraire au beau. Il est impossible de voir dans un géant un objet d’amour. Les idées que nous attachons naturellement à cette stature, quand nous laissons errer notre imagination dans un roman, sont des idées de tyrannie, de cruauté, d’injustice et de tout ce qu’il y a d’horrible et d’abominable. Nous nous peignons un géant ravageant la contrée, dépouillant l’innocent voyageur, et se gorgeant ensuite de sa chair à demi-vivante. Tels sont Polyphème, Cacus, et autres, qui font une si terrible figure dans les romans et dans les poëmes héroïques. L’évènement qui engage le plus notre attention, qui nous cause le plus vif plaisir, c’est leur défaite et leur mort. Parmi toute cette multitude de morts dont l’Illiade est remplie, je ne me souviens pas que la chute d’aucun homme remarquable par sa taille et par sa