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DU SUBLIME

tait involontairement à la passion dont j’essayais de prendre l’apparence ; je suis de plus convaincu qu’il est difficile de l’éviter, même en s’efforçant de séparer la passion des gestes qui y correspondent. Nos ames et nos corps sont si étroitement, si intimement unis, que l’un ne peut sentir ni plaisir, ni douleur, sans la participation de l’autre. Campanella, dont nous avons parlé, parvenait si bien à écarter son attention des souffrances de son corps, qu’il lui eût été possible d’endurer la torture même sans ressentir une grande douleur ; et, dans de moindres douleurs, chacun peut avoir remarqué qu’en appliquant l’attention à autre chose, la douleur se trouve un moment suspendue. D’autre part, si par des moyens quelconques, le corps n’est pas disposé à faire les gestes, ou à éprouver les émotions qu’une passion, quelle qu’elle soit, y produit ordinairement, cette passion elle-même ne pourra jamais naître, sa cause opérât-elle avec la plus grande énergie, fût-elle purement mentale, et n’affectât-elle immédiatement aucun des sens. C’est ainsi qu’un opiat et des liqueurs spiritueuses suspendront l’action du chagrin, de la crainte, ou de la tolère, en dépit de nous-mêmes, et cela en