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ET DU BEAU.

par un sophisme qui nous fait prendre pour la cause ce qui n’est qu’un concomitant : c’est le sophisme de la mouche, qui s’imaginait en traîner un lourd fardeau, parce qu’elle était sur le char qui, par le fait, l’entraînait elle-même. L’estomac, les poumons, le foie, et plusieurs autres parties, sont parfaitement propres à leurs fonctions ; cependant il s’en faut de beaucoup qu’elles aient quelque beauté. Encore un coup, il y a quantité de choses très-belles dont la vue n’excite aucune idée d’utilité. J’en appelle aux plus doux, aux plus naturels sentimens de l’homme : en fixant un bel œil, en contemplant une bouche bien faite, en admirant le contour d’une jambe gracieuse, qui jamais eût l’idée que ces parties étaient convenablement disposées pour voir, pour manger, ou pour courir ? Quelle idée d’utilité font naître les fleurs, l’ornement du monde végétal ? Il est vrai que le maître des mondes, infini dans sa bonté comme dans sa sagesse, plaça souvent le beau à côté de l’utile ; mais cela ne prouve pas que les idées de l’utile et du beau soient les mêmes, ni qu’elles dépendent aucunement l’une de l’autre.