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ET DU BEAU.

l’heure accoutumée de ma visite, j’étais dans une inquiétude remarquable, et je ne recouvrais quelque tranquillité qu’après avoir payé ce singulier tribut à l’habitude. Ceux qui font usage du tabac, en prennent presque sans s’apercevoir qu’ils en prennent : le sens délicat de l’odorat s’émousse en eux au point d’être insensible à un stimulant si aigu : cependant privez l’amateur du tabac de sa tabatière, il sera le plus malheureux mortel du monde. Il s’en faut tant que l’usage et l’habitude soient par eux-mêmes des causes de plaisir, que l’effet d’un constant usage est de rendre toutes les choses, de quelque genre qu’elles soient, entièrement indifférentes : car, comme l’usage détruit enfin l’effet douloureux de bien des choses, il émousse également l’effet agréable de quelques autres, et les réduit toutes à une sorte de médiocrité et d’indifférence. C’est avec raison qu’on a dit de l’habitude, qu’elle est une seconde nature ; et notre état naturel et ordinaire est un état d’indifférence absolue, également propre à recevoir la douleur ou le plaisir. Mais lorsque nous sommes tirés de cet état, ou privés d’une chose nécessaire pour nous y maintenir, par une circonstance qui n’est pas un plaisir résultant de quelque cause,