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ET DU BEAU.

pléter l’idée entière que nous avons d’un homme, et en cela l’effet des défauts naturels est le même que l’effet des défauts accidentels, comme peuvent en produire, toutes sortes de mutilations. Ainsi un bossu est un homme difforme, parce que son dos a une figure extraordinaire, et qui porte avec elle l’idée de quelqu’incommodité ou de quelque malheur ; de même nous disons d’un homme qui a le cou plus long ; ou plus court que d’ordinaire, qu’il est difforme dans cette partie, parce que les hommes ne sont pas communément faits de cette façon. Mais une expérience continuelle nous prouve qu’une personne peut avoir ses jambes d’une égale longueur et semblables sous tous les rapports, son cou d’une forme convenable, et son dos parfaitement droit, sans avoir, pour cela, la moindre beauté apparente. Par le fait, la beauté est si loin d’appartenir à l’idée de la coutume, que ce qui nous touche d<* cette manière est extrêmement rare. Le beau nous frappe autant par sa nouveauté, que le difforme même. C’est ce que nous éprouvons à l’égard des animaux que nous connaissons ; et si l’on nous en montrait un d’une espèce nouvelle, assurément nous n’attendrions pas que la coutume eût établi une idée de proportion, pour décider de sa beauté